Ils étaient une quinzaine à donner un coup de main, vendredi dernier. Tous réunis au château de la Mercerie, à Magnac-Lavalette, pour tendre les bâches qui n'avaient pas résisté aux intempéries des jours précédents. L'association de sauvegarde du château n'avait pas tardé à lancer un appel aux bonnes volontés.
Journée des bénévolesLe téléphone a aussitôt sonné chez Didier Jobit, maire de Magnac-Lavalette, qui porte le projet de restauration du château des frères Réthoré. Si la pluie n'a pas provoqué de nouveaux dommages, il était urgent de mettre hors d'eau le logis du château. « Merci à tout le monde d'être venu », réagit Didier Jobit.
Confiés à un chantier école, les travaux de réfection de la bâtisse ont débuté en septembre dernier. Objectif : redonner son lustre au château. L'an dernier, la mairie a signé un bail de 75 ans avec le propriétaire des lieux, une société immobilière parisienne.
Le château a fédéré autour de lui un bel élan de bénévolat et de mécénat des entreprises locales, le tout filmé par les caméras de l'émission « Des Racines et des Ailes ». ?
Angelika Maspeyre restaure gratuitement les toiles de La Mercerie. Une façon pour la professionnelle de partager la folie des frères Réthoré. Sacré boulot! Photo Phil Messelet
L'artiste d'origine hongroise, réfugiée de l'Est, installée en France depuis 1982 et en Charente depuis sept ans, en a vu d'autres. Elle a rénové des dizaines de fresques dans les églises de la région. Avec ses crayons et ses pinceaux, elle aime relever les défis. «La petite souris», comme elle se définit elle-même, qui travaille devant son propre poêle à pétrole, ne renonce jamais. Elle ressuscite des tranches d'histoire. Apprivoise les copies de maître. Recherche les origines. Watteau, Botticelli, Poussin, Ingres, Delacroix, Le Titien, Caravage... Elle s'imprègne des styles pour mieux les respecter.
«Je suis une bénévole spécialisée»
Angelika Maspeyre scrute la matière de son œil gris-bleu sans jamais la lâcher. En se disant qu'elle parviendra à lui redonner son éclat. Lorsqu'on s'étonne de tant d'engagement bénévole, elle esquive: «Je suis une bénévole spécialisée.» Un sourire. Une passion. «Quand on est artiste dans l'âme, on ne peut pas laisser dépérir tout ça. L'association n'a pas les moyens de me payer et la folie du château est contagieuse.» Vénus et Cupidon n'ont plus de secret pour Angelika Maspeyre. Marie-Madeleine a retrouvé le chemin de l'Ascension et les pêcheurs portugais leur port.
«On est vraiment poussé dans nos dernières limites. Certaines toiles, collées sur du ciment, sont livrées aux fluctuations des températures. Des angelots sont fixés sur des agglomérés irrécupérables. Il faut être bon bricoleur, connaître la chimie, les produits employés», glisse-t-elle en déplorant les rajouts inutiles de Tagliaferi, le copiste des frères Réthoré. Une couronne, des étoiles, des membres disproportionnés et toujours ce vert caca d'oie dont il abusait: le résultat est parfois étonnant.
Angelika Maspeyre doit composer avec les excès du passé en essayant de les atténuer. La restauration lui réserve aussi des surprises. Une grosse araignée, une hermine qui chipe un poisson..., elle révèle des détails masqués depuis des décennies. «C'est ça mon salaire», s'amuse la professionnelle qui n'est pas au bout de sa peine. Elle s'accorde une parenthèse d'un an pour terminer l'œuvre entreprise. Un chantier à l'image du château. Géant et fou à la fois.
Samedi 13 octobre, la députée Marie-Line Reynaud est venue au château de La Mercerie pour visiter les lieux et déjeuner avec les 70 bénévoles de l'association Saint-Étienne patrimoine, qui se retrouvent chaque mois pour œuvrer à l'entretien des abords (taille des haies et tonte), et poursuivre des aménagements.
C'est ainsi qu'ont été terminées les toilettes extérieures accessibles à tous et qu'a été aménagé un escalier permettant de passer du parc au château.
« Le mois prochain, nous travaillerons sur la ferme qui sera transformée en point d'accueil », explique Didier Jobit, qui n'en revient pas d'avoir été si bien suivi dans cette folle aventure : la mise en valeur de ce lieu mythique
?Des élus du Grand-Angoulême en visite à La Mercerie?.
Philippe Lavaud, président de Grand Angoulême, et ses collaborateurs ont apporté du matériel de réforme destiné à l'entretien des espaces verts. Photo CL
Vendredi dernier, Philippe Lavaud, le maire d'Angoulême, président de Grand Angoulême, accompagné du directeur général Patrick Coué et Patrick Advenier, directeur adjoint des services techniques de la ville d'Angoulême, ont été invités par Didier Jobit, le maire de Magnac-Lavalette-Villars, à visiter le vaste chantier de La Mercerie. En remettant à l'association Saint-Etienne Patrimoine un important matériel de réforme destiné à l'entretien des espaces verts du site, Grand Angoulême rejoint les rangs des nombreux donateurs. Guidés par Lysiane Rouyer, membre bénévole de l'association, et Didier Jobit, Philippe Lavaud et ses collaborateurs ont arpenté les différentes salles et mesuré l'ampleur des travaux de restauration de l'édifice ayant appartenu aux frères Réthoré. «Depuis hier, les ouvriers s'affairent pour bâcher la galerie. C'est ni plus ni moins le coup d'envoi donné à la mise hors d'eau dont les travaux de couverture, charpente et zinguerie sont confiés au chantier-école Poitou-Charentes basé dans les Deux-Sèvres. L'association s'installe pour quinze mois, elle recrutera et formera du personnel en collaboration avec les associations locales», a confié Didier Jobit, instigateur de ce chantier pharaonique, dont le coût est estimé à 300 000 euros. «Les temps sont durs, mais l'état et les collectivités se sont laissé convaincre devant l'urgence des travaux», précise l'élu (lire encadré). Ces jours-ci, les dépendances ont entamé leur mue. Actuellement, douze élèves de l'IME de Ma Campagne, encadrés par Gérard Schaffner et Hervé Dutin, éducateurs techniques spécialisés, restaurent à l'identique les dépendances du château, en collaboration avec l'architecte des Monuments de France, tandis que Lucien Sénillout de Magnac-Lavalette relève les ruines du four à pain. Le soutien des PME locales Une dizaine de PME locales œuvrent également au sauvetage de La Mercerie: de la conception de produits d'entretien pour les planchers aux futures clôtures du domaine, en passant par le feu d'artifice offert en juillet dernier, fixé par la caméra de l'émission «Des racines et des ailes». «Il faut rester lucide, prévient Didier Jobit, sans cette mobilisation massive des bénévoles, ce serait impossible pour une commune comme la nôtre. Je suis ravi. Chaque mois, la journée des bénévoles rassemble entre 70 et 150 personnes, c'est une merveilleuse aventure humaine.»
?La Mercerie l'abri
Après un an d'intense mobilisation, les travaux de réfection ont débuté hier.
Hier, les ouvriers ont commencé par bâcher la toiture de la galerie. (Photo Céline Levain)
Les deux molosses qui gardent La Mercerie sont aux premières loges. Depuis hier, des ouvriers s'activent sur les toits du château de Magnac-Lavalette, affairés à bâcher la galerie. C'est ni plus ni moins le coup d'envoi donné à l'indispensable réfection d'une couverture criblée de toutes parts.
Au-delà du formidable élan des bénévoles qui, depuis un an, se retroussent les manches pour embellir et assurer l'entretien du domaine, la mairie s'est mise en quête de fonds après avoir signé un bail de 75 ans avec le propriétaire des lieux, une société immobilière parisienne. Le coût estimé de la mise hors d'eau est à la mesure du rêve inachevé des frères Réthoré, ses propriétaires bâtisseurs décédés dans les années 80 : 250 000 euros.
Les collectivités suivent...
Les temps sont durs mais l'État et les collectivités se sont laissé convaincre : la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) abondera à hauteur de 100 000 euros. Le Conseil régional apporte une subvention de 50 000 euros, le Conseil général, 36 000 euros. S'y ajoute la contribution attendue des mécènes : la fondation du Crédit agricole a d'ores et déjà promis 12 000 euros et un dossier est déposé au niveau national. L'incontournable Fondation du patrimoine étudiera sous peu le versement d'une subvention conséquente. « C'est une énorme satisfaction, souffle Didier Jobit, maire de Magnac-Lavalette et amoureux éperdu du château. On espère arriver à la mise hors d'eau en restant dans les limites de l'enveloppe. » Les travaux de couverture, charpente et zinguerie, ont été attribués au chantier école Poitou-Charentes, basé dans les Deux-Sèvres. L'association s'installe pour dix-huit mois et recrutera ou formera du personnel en collaboration avec les associations d'insertion locale. « Pour une structure d'insertion, c'est quelque chose de valorisant, c'est autre chose que repeindre un local poubelles », souffle Henri Patois, délégué régional, admiratif. « Comment ne pas s'investir sur un chantier pareil ? »
... les PME locales aussi
Les ouvriers du chantier école ne sont pas les seuls à arpenter ces jours-ci les abords du château. Avec le concours du Syndicat départemental d'électricité et du syndicat d'eau de Ronsenac, une pelle mécanique creuse la tranchée qui acheminera l'électricité et l'eau au château. Facture : 300 000 euros, ramenés à 200 000 euros grâce au prêt de matériel d'une entreprise de bâtiment public. Car elles sont une dizaine, PME locales, à œuvrer en toute discrétion au sauvetage de La Mercerie : de la conception de produits d'entretien pour les planchers aux futures clôtures du domaine en passant par le feu d'artifice offert en juillet devant la caméra de l'émission « Des racines et des ailes ». Les journées des bénévoles, elles, rassemblent entre 70 et 150 personnes chaque mois (1).
« Il faut rester lucide, prévient Didier Jobit. Sans cette mobilisation, ce serait impossible pour une commune comme la nôtre, même à l'échelle d'une Communauté de communes. Je suis ravi de la tournure des choses, c'est une merveilleuse aventure humaine, mais c'est quelque chose de fragile et le chantier est colossal. Ce n'est qu'une première bataille. »
Les bénévoles ont été chaudement remerciés
Les fidèles de la Mercerie ont posé devant "leur" château. Photo CL
Didier Jobit, le maire de Magnac-Lavalette et conseiller général de la Charente, et l'équipe de l'association Saint-Étienne qui gère la restauration du château de La Mercerie, avaient invité dimanche tous les partenaires, bénévoles et associations engagés à leurs côtés. Plus d'une centaine de «fidèles» ont répondu présents à cette journée autour du château désormais sorti de l'oubli. «Quand on reçoit une aide de quelque forme qu'elle soit, il faut savoir remercier. Cette journée est donc la vôtre car il faut mettre en exergue tous ceux qui nous ont aidés et sans qui rien n'aurait été possible», a annoncé en préambule Didier Jobit.
«Nous n'avons pas beaucoup d'argent, mais nous avons l'enthousiasme et la volonté qu'avaient les frères Réthoré et nous nous sommes engagés dans la même voie», a encore cité l'édile qui a lancé le chalenge de se donner les moyens de pouvoir accueillir des milliers de visiteurs l'an prochain - déjà 10 000 cette année dont 4 000 le jour de la brocante.
Les principaux partenaires techniques ou financiers, associatifs ou professionnels, ont ensuite reçu des mains de Didier Jobit et de son comité de pilotage des diplômes honorifiques valorisant l'effort de chacun, avant de se retrouver autour d'un pique-nique géant à même la cour du château. Suivait une visite détaillée et guidée des parties accessibles qui a révélé le travail déjà accompli par les bénévoles, laissant présager de la splendeur du site lorsqu'il sera totalement restauré, d'autant que les gros travaux, notamment la remise en état de la toiture, doivent commencer cette semaine.
?Journée de solidarité autour du château?
Le concert de Melting-pot a débuté sous un beau coucher de soleil devant le château. (Photo B. C.)
À la Mercerie, ce fut la journée de la solidarité et de la générosité avec les 80 bénévoles à pied d'œuvre dès 5 heures du matin, samedi.
Toute la journée, ils ont accueilli les exposants, et les personnes venues acheter des objets mis en vente au profit de la restauration du château : « Les acheteurs n'hésitent pas à donner plus que ce qui est demandé car ils savent que c'est pour une belle cause. Moi, je connaissais bien Raymond Réthoré et je suis heureuse que l'on fasse quelque chose pour ce château », confie Nadia, une bénévole assidue.
Concerts en prime Ce fut donc un samedi fou où l'on a afflué. L'après-midi, Villages sessions a investi les lieux avec ses rythmes venus d'ailleurs. Deux groupes se sont produits : Samba garage et sa musique brésilienne, ainsi que Melting-pot et ses mélodies d'origine cubaine, colombienne, chilienne ou française. L'association organisatrice Art Blakey peut être satisfaite : les spectateurs étaient au rendez-vous, et le concert du soir a débuté sous un magnifique coucher de soleil. Le mot de la fin revient à Didier Jobit, maire de Magnac-Lavalette : « Merci à tous. Ce lieu était mort depuis trente ans, enfin il revit ! »
Mais ce fut aussi la journée du souvenir. Ici où là, on entendait parler des frères Réthoré, les uns se rappelant le temps où Raymond, député, recevait tous ceux qui le sollicitaient, les autres voulant en savoir plus sur ce qui les avait poussés à construire une telle galerie.
Le château de la Mercerie a repris vie.
Samedi, les nouvelles plaques tombales des frères Réthoré ont été inaugurées. Et le château dignement fêté. Le château de la Mercerie a brillé de mille feux. (photos Tadeusz Kluba / « sud ouest »)
«On ressent une petite fierté. L'impression d'avoir été utiles et de retrouver un patrimoine oublié. On ne pouvait pas laisser ce château à l'abandon. Les habitants du coin l'ont toujours vu, certains ont même connu les frères Réthoré ! », confiaient Brigitte David et Évelyne Rouyer, bénévoles de l'association Saint-Étienne patrimoine, quelques minutes avant l'inauguration des nouvelles plaques tombales des frères Réthoré. Tous deux sont enterrés dans des piliers, distincts mais proches, d'une extension inachevée de ce qui fut leur château.
Samedi, nombre d'édiles locaux avaient fait le déplacement pour l'occasion. Tout sourire, Didier Jobit, maire de Magnac-Lavalette, d'expliquer : « Nous souhaitions que ce soit le premier lieu réhabilité du château, car il avait été vandalisé. Le texte est le même que celui d'origine. Et contrairement à ce que veut la légende, les cercueils des frères Réthoré ont été disposés à plat et non pas debout. »
Cette inauguration n'était qu'un des nombreux rendez-vous de la journée. Samedi, le château de la Mercerie était à la fête. Une fête comme il n'en avait pas connu depuis longtemps.
Dès 6 heures, un grand vide-greniers animait le jardin du château. Tandis qu'à l'intérieur, une « brocante solidaire » proposait des objets à vendre au profit de la sauvegarde de l'édifice. Car désormais, les projets ne manquent pas.
Un appel aux dons lancé
Pour le maire, cette journée de fête, « c'est juste le commencement. Même si c'est aussi l'aboutissement d'un an de travaux, c'est surtout le début d'une aventure, dont l'objectif premier est de sauver le lieu, pour ensuite en faire un outil de développement local. » Une fois lancé sur le sujet, Didier Jobit ne s'arrête plus : « Le lieu était endormi, il suffit juste de le réveiller. Il n'y a pas une journée sans qu'il y ait du monde devant. Comme je le rappelle souvent, en 1980, on comptait 20 000 visiteurs par an. » Et si une équipe de l'émission « Des Racines et des Ailes » était présente samedi, c'est bien parce que l'édifice vaut le détour. Les travaux de mise hors d'eau auraient pu débuter en juin, « le financement est bouclé », mais le lieu étant très visité l'été, les échafaudages ne seront installés qu'en septembre. Suivront ensuite les travaux de mise hors d'air. Mais là encore, il faudra trouver l'argent. D'où une souscription publique lancée samedi, afin de collecter des fonds.
De multiples projets sont désormais envisagés au château de la Mercerie. Il accueille déjà une exposition photo dédiée au lieu, de Franck Têtu, dont les clichés géants habillent la façade jusqu'à la fin de l'été. Et une Maison de la photo y a déjà pris ses quartiers.
Des fossiles découverts
Les projets et les envies ne manquent pas. « Au fur et à mesure, on découvre le potentiel du château », indique Christophe Augereau, président de Saint-Étienne patrimoine, qui compte près de 250 bénévoles. Ainsi, un village a été mis au jour dans le parc des Réthoré (lire notre édition du 21 juillet), des fossiles ont été découverts dans un lieu pour l'heure préservé, un projet d'arboretum est en train de voir le jour…
Et preuve que le château est bien revenu à la vie : il a accueilli, samedi, le lancement du festival Village sessions. « On a fait un peu plus de 500 entrées payantes. Nous sommes tout de même un peu déçus par rapport à l'organisation car quelque 200 spectateurs ont pu voir le concert sans payer, à cause de la configuration des lieux, relatait Bruno Pierre, de l'association Art Blakey, en charge de l'événement. Mais on a fini sur une note positive. »
Le château s'est ensuite illuminé avec le spectacle pyrotechnique concocté par « Un jardin dans la nuit ».